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22 novembre 2014 6 22 /11 /novembre /2014 19:06

4ème de couverture:

Dans une brasserie parisienne, Lucien, 40 ans, désoeuvré, fait connaissance de son voisin, un colonel à la retraite qui lui rappelle son père. Tandis que le vieux monsieur, ravi d'avoir un confident, parle à tort et à travers, Lucien, qui ne l'écoute que d'une oreille, voit ressurgir par petits pans son enfance, son adolescence, ses espoirs de jeunesse que la vie a déçus. Et voici que soudain, dans la grisaille des jours mélancoliquement évoqués, surgit la figure délicieuse et perverse d'Annie, qui pendant deux années a fait naître en lui un amour insensé. Le récit de cette passion tumultueuse, avec ses élans, ses dégoûts, son obsession, ses poussées de haine et d'adoration, est l'un des plus troublants, des plus émouvants qu'Horace Pérès - grand spécialiste des jeunes filles et des émois qu'elles font naître - nous ait donnés. On se souviendra longtemps de cette sauvageonne étincelante que nous aurions, nous aussi, détestée et adorée.

 

Extrait:

"J'ai froid, disait Annie. Ne regardez pas. Tirez les rideaux."

Je l'avais prise sur mes genoux. Dans la demi-obscurité qui baignait la chambre, son visage faisait une tache blanche, oblongue, comme une traînée de peinture sur une vitre noire. Elle ne repoussait pas ma main qui progressait sous sa jupe. Seuls les baisers brefs dont elle parsemait ma figure indiquaient son émotion, la ponctuaient, imprimaient à mon désir un rythme paniqué, qui nous faisait, à cet instant, très proches l'un de l'autre.

Je n'avais eu aucun mal à la persuader de me suivre dans cet hôtel de la rue Alberti. Elle semblait à peine gênée mais bavardait seulement un peu trop, sautant du coq à l'âne et riant de ce qu'elle disait.

Elle portait une chemise d'homme en gros coutil dont le bleu, un peu passé, mettait sur ses joues, en plein soleil, un cendré impalpable. Avec sa jupe à plis, ses cheveux de gamin bien lissés, sa petite tête haut portée, sa mine convenable, elle n'allait pas au sacrifice. Peut-être pensait-elle que je plaisantais.

Ma caresse devint plus précise. Annie ferma les yeux et abandonna sur mon épaule sa tête sans poids. On pouvait croire qu'elle dormait, qu'elle pensait à un autre; qu'elle guettait, que sais-je? la venue du plaisir. Elle guettait, car elle se détendit comme une volée de branches quand je voulus déboutonner sa chemise.

- Non, non, dit-elle. Non Monsieur Perracci, non!

Elle me donnait du Monsieur. C'était gênant, c'était pitoyable. C'était un peu terrible et terriblement excitant. L'acidité du désir m'emplissait la bouche. Elle luttait, la sorcière. Elle avait cent mains, cents mains de Pénélope qui refaisaient, sans trêve, ce que j'avais défait. Je la tenais nue et je n'embrassais que l'étoffe. Elle ne frappait ni ne griffait. Elle reboutonnait. J'avais escompté un déshabillage docile, un peu terne, et voici que j'étais en train de violenter une enfant, froissant le linge que je ne parvenais pas à détacher d'elle, la caressant sans l'atteindre et grondant à mi-voix, sans ironie:

-Sois sage, voyons. Sois sage!

La chemise céda enfin, s'ouvrit, lui tomba sur les hanches. Annie ne portait pas de soutien-gorge. Elle avait de petits seins durs, à peine achevés, tièdes, doux comme la farine. Une seule main les eût contenus.

Debout entre mes genoux, matée, elle ne faisait plus un geste, tandis que j'achevais de la déshabiller. Elle se taisait, presque invisible et tellement pésente! Je donnais à cette portion de nuit un volume et une densité. Une odeur. Annie sentait la rousse, le foin chaud, le sel rance. Elle laissa en tas, tels qu'ils étaient tombés jupon, bas, petite culotte, et me précéda docilement sur le lit.

- Es-tu sûre d'avoir dix-sept ans, lui demandai-je tout à coup?

Ma main, après s'être attardée sur son ventre un peu saillant, venait de reconnaître son pubis. Il était quasiment imberbe. Elle sursauta:

- Qu'est-ce qui vous prend?

- Je t'ai demandé ton âge.

- Combien de fois faudra -t-il vous le dire?

Détournement de mineure. Les assises, les journaux: en médaillon, portrait du satyre. Aîe! Je giflai le commutateur. Ces petits seins sans aréole; ces longs membres au modèle indécis et qui n'en finissaient pas de pousser; ce ventre en forme de bulbe et ce sexe surtout, ce petit machin clos qui n'avait pas poussé son bourgeon. Le fruit défendu, la petite fille!

- Tu es une petite fille, lui dis-je sévèrement.

Sous mon regard inquisiteur, elle s'était lovée comme un foetus, le menton dans la poitrine, les genoux embrassés.

- Cela vous dérange?

Comment, sans mentir, lui répondre, et fallait-il refuser ce cadeau du sort, ce lot inespéré? Cruel embarras, que renforçait encore ma conscience intempestive. J'étais là, tout nu, stupide, partagé.

- Eteignez, souffla-t-elle entre ses seins.

Elle se déplia, s'ouvrit, belle de nuit (périlleuse comparaison). Dans ma bouche, sa petite langue était comme une huître gobée. Elle gémit quand je la pénétrai, se cabra, m'arrêtant à mi-course.

- Je t'ai fait mal?

- Non, ça ira. Faites vite.

Faire vite! Etions-nous chez le dentiste? Allais-je me masturber dans cette écolière imprudente qui grinçait des dents?

- Rhabille-toi, luis dis-je.

 

Finalement, tout le monde meurt: le vieux colonel fait une crise cardiaque à la fin de la soirée, le narrateur se suicide à son retour à la maison....

 

 

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10 novembre 2014 1 10 /11 /novembre /2014 14:05

4ème de couverture:

Professeur de culture générale d'un lycée technique à Londres, Henry Wilt aborde la quarantaine dans un état critique. Alors qu'il tente à longueur de journée d'instruire une bande d'adolescents qui se soucient du sonnet shakespearien comme de leur premier porridge, sa femme Eva saisit la moindre occasion pour le harceler. Et tout y passe: son manque d'ambition, sa virilité de mollusque, son goût immodéré pour la bière. Wilt ne peut que grommeler en subissant ces réprimandes. Jusqu'à cette fameuse soirée, où ridiculisé une fois de trop, il décide de supprimer celle qui a fait de sa vie un enfer.

Tom-Sharpe-Wilt-1.gif

 

Assistant dans un lycée technique londonien depuis une dizaine d'année, Henry Wilt tente en vain d'inculquer quelques bases de littérature anglaise à des classes d'apprentis bouchers, plombiers ou maçons, qui n'en ont que faire.

D'un point de vue personnel, la situation d'Henry n'est guère plus reluisante : il est en effet marié à Eva, femme de forte corpulence, sans emploi, qui occupe son temps libre dans la pratique de hobbies qui entrent dans sa vie aussi rapidement qu'ils en sortent : yoga, trampoline, méditation transcendentale, composition florale, tout y passe.

Entre deux activités, l'énergique Eva trouve néanmoins le temps d'accabler son mari de tous les reproches de la terre.

Si Henry ne voit guère comment sa situation professionnelle pourrait s'améliorer, les promenades quotidiennes de leur chien Clem sont pour lui l'occasion de rêver à toutes les façons dont il pourrait se débarrasser d'une Eva devenue insupportable.

Au cours de l'une de ses activités, Eva fait la connaissance de Sally Pringsheim, américaine et fervente adepte de la liberté de la femme (notamment sexuelle...), qui l'invite à participer à une fête organisée chez elle.

Flatée qu'une personne d'un rang social supérieur au sien lui témoigne un quelconque intérêt, Eva s'empresse d'accepter l'invitation, et se rend donc à la fête, aux côtés d'un Henry plus que réticent à l'accompagner.

Au cours de la soirée, l'alcool coulant à flot, Henry se retrouve assommé en tentant de repousser les assauts d'une Sally Pringsheim déchaînée, qui abandonne celui-ci sur le sol non sans l'avoir préalablement encastré dans une poupée gonflable appartenant à son mari. Alors qu'il tente de s'extirper de sa prison de caoutchouc, Henry provoque un tel raffut dans la salle de bain que tous les invités des Pringsheim surgissent pour le contempler nu, les 4 fers en l'air, avec à ses côtés une poupée gonflable.

Pour Henry, c'en est trop. De retour chez lui, il décide de se débarrasser définitivement d'Eva, et songe à faire disparaître son corps en le jetant dans les fondations d'un immeuble en cours de construction à côté de son lycée technique. Ne voulant laisser aucune chance au hasard, il décide de procéder à quelques répétitions. Il revêt donc la poupée gonflable des vêtements d'Eva, et se dirige vers le fameux trou dans lequel il jette sa « victime »...qui reste coincée avant d'atteindre le fond.

Le lendemain matin, les ouvriers venus déverser leur béton n'ont que le temps d'apercevoir le corps de la « malheureuse », qui se retrouve enseveli.

Eva restant introuvable après la fête organisée chez les Pringsheim, Wilt est très vite suspecté d'avoir assassiné cette dernière et de l'avoir jetée dans les fondations. Les travaux pour dégager le « corps » de la poupée prenant plusieurs jours, il est placé en garde à vue. Eva, pendant tout ce temps, se trouve sur un bateau emprunté par les Pringsheim, qui ont échoué celui-ci dans la vase. Le retour de la défunte marquera la fin de la garde à vue d'Henry, mais également celle de sa liberté.

Les amateurs d'humour anglais adoreront ce livre. A noter que son sous-titre est "Comment se sortir d'une poupée gonflable et de beaucoup d'autres ennuis encore"...

Extrait:

"Là-haut, dans la chambre aux jouets, Wilt récupérait lentement après les assauts combinés du Pringsheim Punch, de la vodka, de son hôtesse nymphomane et du coin de commode sur lequel il s'était cogné la tête. Il se sentait affreusement mal. Ce n'était pas seulement que la pièce tanguait, que sa nuque l'élançait et qu'il était tout nu. Non. Il avait surtout l'impression qu'un instrument répugnant du genre piège à souris, étau ou moule affamée serrait convulsivement ce qu'il avait toujours considéré comme la plus secrète partie de son anatomie. Wilt ouvrit les yeux et s'aperçut qu'il avait en vis-à-vis un visage souriant, juste un peu boursouflé. Il ferma de nouveau les yeux, eut contre toute espérance un moment d'espoir, les ouvrit, vit que le visage était toujours là et essaya de se lever.

C'était une erreur. Judy, la poupée de caoutchouc, plus gonflée que la normale, résista. Wilt couina faiblement et retomba sur le plancher. Judy suivit le mouvement. Wilt avait le nez écrasé contre les fossettes de la poupée et les seins de celle-ci lui rentraient dans le ventre. Il roula sur le côté en jurant comme un possédé et examina la situation. Impossible de se lever. C'était la castration assurée. Il fallait essayer autre chose. Il poussa un peu plus la poupée et checha à se mettre dessus mais comprit vite qu'en pesant ainsi sur elle il ne faisait qu'accroître la pression sur ce qui lui restait de pénis et que s'il voulait attraper la gangrène il n'avait qu' à continuer comme ça."

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25 octobre 2014 6 25 /10 /octobre /2014 18:33

4ème de couverture:

 

Vers 1845, à Saint Petersbourg, une petite ville du Missouri, le jeune Tom Sawyer mène la vie des garçons de son âge. Il joue des farces à sa tutrice Tante Polly, au maître d'école, à ses camarades. Aux leçons de l'école ou de l'église, il préfère les jeux dans la forêt et les escapades dans l'île Jackson. Or l'enfant polisson et son ami Huckleberry Finn rencontrent bientôt l'aventure : meurtre nocturne dans un cimetière, enfermement dans un labyrinthe souterrain, chasse au trésor, alors qu'à tout instant menace la terrible figure de Joe l'Indien et qu'une histoire d'amour s'ébauche entre Tom et Becky, la fille du juge Thatcher...

Jeux, mystères, péripéties et rêves se mêlent dans Tom Sawyer. Cette oeuvre charmante, drôle et parfois effrayante est une lecture favorite des enfants. Elle a pour les adultes l'attrait des souvenirs d'enfances libres et heureuses.

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Sur ce fond de vie quotidienne d'enfant polisson, se greffent trois aventures solidement imbriquées les unes dans les autres et ayant toujours Tom comme protagoniste : la première est un meurtre dans un cimetière auquel Tom et son compagnon Huckleberry Finn assistent, la seconde un enfermement dans un labyrinthe souterrain, la dernière une chasse au trésor. A tout instant, menace la terrible figure de Joe l'Indien. En même temps que ces épisodes époustouflants, s'ébauche une histoire d'amour entre Tom et Becky, la fille du juge Thatcher. A la fin du livre, Tom et Huck se retrouvent riches des 12000 dollars que Joe et son complice avaient cachés dans la grotte.

Extrait:

"C'était cela le grand secret, le plan génial de Tom: revenir en compagnie de ses confrères en piraterie juste à temps pour assister à leurs propres funérailles. Le samedi, à la tombée de la nuit, ayant traversé le fleuve sur un tronc d'arbre, ils avaient abordé à cinq ou six miles en aval du village. Ils avaient dormi jusqu'à l'aube dans les bois environnants, s'étaient faufilés jusqu'à l'église par de petites rues désertes et, une fois dans la tribune, s'étaient de nouveau laissés aller au sommeil au milieu d'un amas de bancs hors d'usage.

Lundi matin, au petit déjeuner, Tante Polly et Mary comblèrent Tom de gâteries. La conversation fut exceptionnellement animée. La tante interpella son neveu:

- Je ne nie pas, Tom, que cela n'ait été une excellente plaisanterie de laisser les gens se morfondre de chagrin pendant presque toute une semaine; mais tout de même, cela n'était pas très gentil de ta part de me faire souffrir de la sorte. Puisqu'il vous a été possible de traverser le fleuve sur un tronc d'arbre pour venir à votre enterrement, tu aurais bien pu venir me faire savoir d'une façon ou d'une autre que tu n'étais pas mort, et qu'il ne s'agissait que d'une équipée.

- Oui, cela tu aurais pu le faire, dit Mary; et tel que je te connais, je crois que tu l'aurais fait si tu y avais pensé.

- Aurais-tu fait cela? interrogea anxieusement Tante Polly. Dis-moi, si tu y avais pensé l'aurais-tu fait?

- Ma foi, je n'en sais trop rien. Cela aurait tout gâché.

- J'aurais espéré que tu m'aimais assez pour cela, dit la tante d'une voix attristée qui impressionna Tom. Cela adoucirait un peu ma peine de savoir que tu y avaix pensé, bien que tu ne l'aies pas fait.

- Ma tante, plaida Mary, il ne faut pas lui en vouloir; il est comme cela, il ne pense à rien.

- Cela n'est pas une excuse. Sid y aurait pensé et il l'aurait fait, lui. Un jour, quand il sera trop tard, Tom, tu verras, tu regretteras de ne pas avoir été plus gentil pour moi alors que cela t'aurait coûté si peu de peine.

- Ma tante, vous savez que je vous aime bien, dit Tom.

- Je le saurais mieux si tes actes étaient en rapport avec tes paroles.

- Je regrette de na pas y avoir pensé, dit Tom d'un air contrit. En tout cas, j'ai rêvé de vous; c'est tout de même quelque chose, ça?

- Quelque chose qui est à la portée de tout le monde. Les chats rêvent, eux aussi. Mais enfin c'est mieux que rien. Qu'est-ce que tu as rêvé?

- Eh bien, dans la nuit de mercredi à jeudi j'ai rêvé que vous étiez assise là, près du lit; Sid était assis sur le coffre à bois, et Mary était à côté de lui.

- En effet, c'est comme cela que nous nous installons tous les soirs. Je me plais à reconnaître qu'au moins en cela tes rêves correspondent à la réalité.

- Et puis j'ai rêvé que la mère de Joe Harper était ici.

- Mais c'est vrai qu'elle y était! Qu'est-ce que tu as encore rêvé?

- Beaucoup de choses. Mais je ne me rappelle plus très bien.

- Essaie de te rappeler.

- Il me semble qu'il y avait du vent. Le vent a soufflé...

- En effet, Tom. Le vent a soufflé quelque chose.

Tom se gratta l'oreille comme s'il cherchait.

- Ca y est. J'y suis. Le vent a soufflé la chandelle.

- Mon Dieu, mais c'est vrai! Continue, Tom!"


 


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19 octobre 2014 7 19 /10 /octobre /2014 14:11

4ème de couverture:

Quatrième de couverture :
"Un roman hilarant, voilà l'événement ! [...] II y a de quoi faire dans cette histoire destinée aux individus coincés et mal coincés entre la trentaine et tout ce qui suit. Rob, bientôt trente-six ans, est mal en point : "Qu'ai-je fait de ma vie ?" se demande ce sempiternel adolescent qui craint de vieillir (même bien), au lendemain d'une rupture, en contemplant les bacs de son magasin de disques pop paumé dans une ruelle de Londres. [...] Pour notre plus grand plaisir, Rob, qui se demande in fine s'il ne serait pas un nul, décide d'entamer la falaise. II récapitule ses amours, depuis le premier, à douze ans, qui dura trois fois deux heures, jusqu'au dernier, une nuit correcte avec une chanteuse américaine, et dresse un inventaire hilarant de ses états d'âme. [...] Tous ceux qui considèrent comme vertige nécessaire le fait de savoir à un moment donné faire durer une relation monogame, se délecteront à la lecture de ce roman post-mélancolique qui célèbre les vertus du rire." Catherine Argand, Lire.

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Rob Fleming, 35 ans, est propriétaire de Championship Vinyl, une minuscule boutique de disques située dans le quartier de Camden, à Londres. Il passe le plus clair de ses journées à attendre le client en compagnie de Dick et Barry, ses deux employés et amis, qui comme lui ne vivent que par et pour la musique. La principale occupation des trois compères consiste à étaler leurs connaissances musicales, et élaborer des listes de « top-five » (du top-five des titres à jouer dans un enterrement à celui des titres à emporter absolument sur une île déserte...).

Mais voici que Laura, la petite amie avocate d'affaires de Rob, le quitte pour leur ancien voisin du dessus, véritable bête sexuelle dont les ébats torrides se faisaient régulièrement entendre au-dessus de leur lit...

C'est là l'occasion pour Rob d'établir le top-five des femmes qui l'ont le plus fait souffrir, de sa première petite copine de bac à sable à son grand amour de la période estudiantine. Il dresse par la même occasion un bilan de sa vie, qu'il juge dans l'ensemble assez peu reluisant.

Rob finit par réaliser que sa peur de l'engagement est probablement la cause de tous ses déboires. Il redoute en effet le jour où, engagé définitivement, il devra renoncer au rêve de voir entrer dans sa vie une nouvelle jeune femme qui lui apportera à nouveau l'exaltation d'un amour naissant.

La mort du père de Laura finira par les réunir, et, pour redonner un peu de sens à la vie de son compagnon, celle-ci ira jusqu'à faire rouvrir le club dans lequel eût lieu leur première rencontre, alors que Rob y était disc-jockey.

Les mésaventures de Rob Fleming sont narrées sur un ton humoristique, mais amènent parfois le lecteur à s'interroger sur sa propre vie.

A noter également l'omniprésence de références à la musique des années 50 à 70, qui emplit la vie du narrateur comme elle doit emplir celle de l'auteur.

Extrait:

 

« J'étais un peu inquiet de l'effet que ça me ferait de revenir à l'appart ce soir, mais tout va bien : cette sensation précaire de bien-être que j'ai depuis ce matin ne m'a pas quitté. Et puis, de toute façon, ça ne sera pas dans cet état éternellement, avec ses affaires un peu partout. Elle va bientôt venir les chercher, et cette atmosphère de boudoir – avec le roman de Julian Barnes ouvert au pied du lit, les slips dans le panier à linge – va se dissiper. (J'ai été affreusement déçu par les slips des filles quand j'ai commencé à vivre en concubinage. Je ne me suis jamais remis de cette découverte : elles font comme les garçons. Elles se gardent leurs plus beaux dessous pour les jours où elles savent qu'elles vont coucher avec quelqu'un. Quand on vit avec une femme, les vieux slips Monoprix délavés, rétrécis, informes font soudain leur apparition sur tous les radiateurs ; vos rêves lascifs d'écolier, où l'âge adulte apparaissait vautré dans la lingerie fine à jamais, dans les siècles des siècles...ces rêves retournent à la poussière.)

Je fais disparaître les indices du drame d'hier soir – le duvet répandu sur le sofa, les mouchoirs de papier en boule, les tasses où flottent des mégots dans un fond de café huileux, puis je mets les Beatles, et quand j'ai écouté Abbey Road et les premiers titres de Revolver j'ouvre la bouteille de vin blanc que Laura a ramenée la semaine dernière, je m'installe dans mon fauteuil et je regarde l'anthologie de Brooksideque j'ai enregistrée ».

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3 avril 2013 3 03 /04 /avril /2013 21:25

4ème de couverture:

Vichy sous l'Occupation. Chaque semaine, à l'hôtel du Parc, le maréchal Pétain confie sa tête au jeune Émile, jusqu'alors apprenti coiffeur dans le salon de son père. Quoi de plus rassurant pour l'état-major du maréchal que ce gamin docile qu'on laisse traîner dans les couloirs et chaparder aux cuisines? À l'hôtel, où s'agitent les enragés de la Collaboration, Émile sait se rendre indispensable. Il recueille les radotages et satisfait les caprices du Vieux, confiné dans sa chambre. Il épie les manigances de Laval, couche comme tout le monde avec la belle Emma, n'échappe pas aux avances suspectes du capitaine Vincent et se trouve bientôt embarqué dans la plus rocambolesque des conspirations.

Emile-a-l-hotel-FORLANI.jpgExtrait:

Trois jours avant la Saint-Sylvestre, n'en pouvant plus de me ronger le crâne et les sangs et de me faire inquisitionner par ma mère et enguirlander par le rouquin, j'ai repris ma petite valoche de coiffeur. Et en avant.

Et le chef de l'Etat français m'a accueilli avec son sourire numéro un, celui auquel avaient droit les petites filles endimanchées qui lui remettaient des bouquets plus gros qu'elles dès qu'il posait le pied dans la rue principale d'un riant village de France.

- Alors Figaro, on boude son Maréchal? On se posait des questions. On était sur le point de te porter déserteur.

Il avait beau avoir l'air tout miel, ça ne pouvait que faire frissonner ce qu'il me sortait là. Les déserteurs, on savait comment il les avait arrangés, en dix-sept, ce triste con. C'est que, à l'occasion, le cher grand militaire, il ne se privait pas de faire fusiller des pauvres types. Pour l'exemple.

Je n'ai pas eu droit au "Fais ton office, bourreau". Il ne m'a plus rien dit, tout occupé qu'il était à coller dans un épais cahier relié en cuir des photos de lui découpées dans des journaux.

Il faisait tant attention à ne pas faire déborder la colle qu'il en tirait la langue. Une moche petite langue rougeaude de vieillard.

Je l'ai artistiquement rafraîchi, j'ai bien brossé le col de sa vareuse. En uniforme il était, ce matin-là, avec ses médailles. Sûrement pas toutes, il n'aurait pas eu la place, un brave aussi brave.

S'étant levé, tout en se regardant de face et de profil dans son miroir ancien, il m'a demandé combien j'avais de frères et de soeurs.

- Je n'en ai pas, monsieur le Maréchal.

- Fils unique, alors?

- Oui, monsieur le Maréchal. Mes parents n'ont eu que moi.

Il m'a fixé longuement. Ses yeux bleus se sont durcis.

- Fils unique! Ca te semble normal?

- Je...je sais pas, monsieur le Maréchal.

- Eh bien moi, je sais. Je sais que c'est la natalité qui fait la force d'une nation. Sa force et sa grandeur. Une nation sans enfants c'est comme un oiseau sans plumes. Tu imagines le coq gaulois tout déplumé, tout nu? Il ne serait plus bon qu'à devenir poule au pot. Eh bien notre France c'est du pareil au même. Une poule au pot! Une désolante poule au pot.

Et il s'est mis à l'être, désolé. De cruels, ses yeux sont devenus pleurnichoux. Pour un peu, il m'aurait fait peine.

- Et pourtant ce n'est pas faute de. Je leur ai dit. Jésus leur a dit. Nous leur avons dit et répété. Mais autant compisser une mandoline. Il suffit de regarder pour voir. Pour voir quoi? Des femmes aux jupes de plus en plus courtes et plus soucieuses d'exhiber leurs mamelles que d'allaiter. Même les mieux pourvues en ventre, en hanches, même les plus prédisposées à l'enfantement. Paresseuses des entrailles. Frivoles. Inconséquentes. Se contentant d'un mioche, d'un dérisoire fils unique. Et fruit d'un "accident" qui plus est! Toutes partantes pour être épousées, pour avoir un homme buveur de Pernod et joueur de belote dans leur lit pour qu'il assouvisse leurs besoins de chattes sans cesse en chaleur. Mais, mères, le moins possible! Sans parler de toutes les gueuses recourant aux bons offices des faiseuses d'anges. Combien de petites Jeanne d'Arc tuées dans l'oeuf chaque année? Combien de Blaise Pascal, de Pasteur, de père de Foucauld? Combien? Pendant ce temps-là, la femme allemande, la mère allemande, la matrone bolchevique...

Ce n'était plus de la pleurniche. Des larmes jaillissaient de ses yeux, à père-grand.

 

On suit avec bonheur le jeune Emile dans ses aventures, de son entrée à "l'hôtel" pour effectuer  sa première coupe de cheveux hebdomadaire du "Vieux", à son installation quasi définitive en ce lieu pour fuir un contexte familial pesant (son père étant resté à moitié débile suite à une attaque cérébrale, sa mère en profite pour laisser son amant s'installer à la maison).

Tout au long du roman, Emile semble rester sans opinion sur le régime de Vichy, même si l'on sent poindre une certaine forme de mépris lorsqu'il décrit les occupants de l'hôtel, qu'il s'agisse du Maréchal, qui semble parfois perdre la tête, de Mme la Maréchale, avec laquelle le Vieux entretient des relations tendues, ou encore des miliciens qui se livrent à la torture dans les caves.

La routine commence à s'installer pour Emile lorsqu'un beau jour, quelques-uns des occupants de l'hôtel décident de kidnapper le Vieux sous prétexte de mieux le protéger. Emile se retrouve entraîné dans la conspiration, et se voit chargé de verser un somnifère dans l'infusion du Maréchal. Le but des "franciscains", comme ils se font appeler, est de faire couronner Pétain par le Pape, puis de l'amener à abdiquer au profit d'un Bourbon ou d'un Orléans lorsque les temps seront devenus meilleurs pour la France. Une idée tout à fait rocambolesque, qui n'est cependant pas pour déplaire au Vieux qui s'imagine très bien dans la peau d'un monarque.

L'histoire connaît cependant un épilogue tragique, lorsque des miliciens viennent délivrer le Vieux, ne laissant aucun survivant derrière eux. Parmi les victimes, la petite Bernadette, jeune villageoise dont Emile venait de tomber amoureux.

Un livre vraiment très agréable à lire. Même si certains faits relatés sont d'une extrême noirceur (torture, viol d'Emile...), l'humour n'est jamais très loin, et l'on se régale vraiment du portrait que Remo Forlani dresse du Maréchal Pétain, présenté ici comme un vieillard mégalomane et sénile.

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18 mars 2013 1 18 /03 /mars /2013 21:55

4ème de couverture:

Roman burlesque sur les sosies, fable sur les années Cloclo, balade nostalgique au musée Grévin des icônes de la culture populaire, Podium racontre drôlement une histoire désespérée: comment le désir d'être célèbre est devenu la religion des temps modernes.

PODIUM.jpg

Extrait:

Pour fêter notre sélection à la Foire aux arbres de Sandillon en première partie de Philippe Lavil, Bernard nous a tous invités au restaurant. Je n'en suis pas revenu: le plus gros radin de tous les temps s'apprêtait à payer l'addition pour quatre danseuses, sa femme et moi. Sans compter le prix de la baby-sitter pour Mouss. D'autant que Maïwenn et Véro ont obtenu de lui (une première mondiale) qu'il ne nous emmène pas dans un restaurant à volonté. Bernard avait réservé une table au Chevreuil, situé sur la route de Jargeau. C'est un endroit fréquenté par les chasseurs et les amoureux de la Sologne. La cuisine y est très bonne si on aime le goût un peu fort du gibier. Tout s'est très bien déroulé, même si Bernard a fait deux ou trois allusions au fait qu'"au niveau des tarifs, y s'emmerdent quand même pas, ces salauds-là. La forêt est à tout le monde, bastacouette!" Au moment du fromage, il s'est levé:

-Bon, esscusez-moi, là, tous, mais je lève l'ancre cinq minutes: j'ai comme une heure de pointe au colon.

Il s'est adressé au garçon:

-Dis-moi Hector, c'est où les aisements, ici?

-Les toilettes? Au fond à gauche, monsieur...

Bernard est entré dans les toilettes: elles étaient à la turque. Ne supportant pas ça, il est retourné en salle voir le garçon.

-Vous n'avez pas trouvé, monsieur?

-Si, mais le concept ne m'emballe pas. T'aurais pas moins baroque?

-Pardon?

-Quand il s'agit de poser une pêche, l'exotique, ça me bloque. T'aurais pas des cagoinsses qui rassurent, quelque chose de plus convivial?

-Comment ça?

-On n'est pas à Istanbul ici, camarade: je voudrais un WC normal où je pourrais poser ma chimie sans stresser.

-Ah mais y a pas, monsieur...

-Quoi? "Monsieur" toi-même! Moi je commets rien dans ta Turquie, c'est tout.

-Je suis vraiment désolé, je ne peux rien faire pour vous.

-Y a pas des feuillets VIP dans ton boui-boui?

Un chef de table est arrivé.

-Bonsoir monsieur, puis-je vous aider?

-C'est les commodités: elles sont pas formidables. Y a un côté esplanade qui fait peur à ma dignité. Je sais pas si c'est le vertige ou le trac, mais je connais ma selle: elle osera jamais faire le voyage.

-Je comprends fort bien, mon cher monsieur, et je vais vous faire un aveu: je suis comme vous. Mais, hélas, je ne peux pas faire grand chose...

-Et ton patron? Y se soulage où donc lui?

-Aaah ça, c'est son affaire, monsieur.

-J'ai compris: pendant que le pékin est tout crispé sur son estron, le big boss lui c'est gothique et moquette. C'est très"deux poids deux mesures", cette affaire. En vraie démocratie, tout le monde s'affaire au même trou. Y'a pas de raison que je soye accroupi tout plein de crampes à lorgner un cake qui menace de m'éclabousser le derche pendant que ton dirlo se peaufine à Bach et Mozart dans du cosy avec des jets laser qui le nettoyent à grande eau!

-Je sais bien, monsieur, mais...

-Tu sais rien! Je sais, moi, que je vais vivre l'impossible dans ton truc à babouches! Surtout que j'ai eu des prédécesseurs en détresse, là-dedans: je connais pas les auteurs, mais les oeuvres sont cocasses. C'est rempli d'artistes, la Turquie! Mais bon, si y a que ça comme réceptacle, j'insiste pas.

-Je suis franchement désolé, monsieur. Je vous souhaite une bonne fin de repas.

Bernard s'est éloigné. Il a marmonné: "Attends cowboy, je vais te montrer un "je me venge" de chez Nanard, moi. Je vais m'amuser à Picasso dans tes turques: tu vas voir le document! Quand t'auras découvert la toile, tu pourras plus mourir idiot!" Et il s'est enfermé dans les toilettes...

Une fois son méfait accompli, Nanard s'est retourné sur le spectacle qu'il allait laisser en héritage infâme à ses successeurs en ce lieu:

-Fabuleux! C'est exactement ce que je voulais. A la virgule près!

Quand il a regagné notre table, j'ai tout de suite vu le petit sourire sur son visage: celui d'un enfant qui vient de faire une bêtise dont il est fier et content.

-T'as déjà visité la Turquie, Couscous?

-Non pourquoi?

-Ben c'est le moment ou jamais.

J'avais vu le film, je n'avais jamais lu le livre: c'est chose faite.

On ne présente plus Bernard Frédéric, le plus grand Cloclo de sa génération, fan extrémiste et ex-sosie professionnel de Claude François. Réduit à faire la plonge dans un restaurant, celui-ci décide un jour de relancer sa carrière en participant à une émission de sosies.

Ce roman vaut avant tout pour le langage fleuri de son personnage principal, avare, mesquin, souvent odieux, qui sacrifie sa vie à sa passion. A cet égard, il faut bien reconnaître que le personnage de Nanard n'est pas sans rappeler certaines personnes croisées dans les émissions TV...

L'auteur dresse également un portrait de la France profonde: de concerts tenus sur des parkings de supermarché en compétitions de sosies affligeantes, nous suivons notre héros dans un périple provincial qui équivaut à ses yeux à une tournée mondiale.

Une différence de taille entre la fin du livre et celle du film: la mort de Nanard, qui périt électrocuté, comme son héros. En ce qui me concerne, j'ai préféré le happy end du film, qui colle mieux à l'ambiance générale de l'histoire, mélange de causticité, d'humour et de nostalgie.

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1 septembre 2012 6 01 /09 /septembre /2012 16:42

4ème de couverture:

Comment se débarrasser de la grand-mère de sa femme qui empoisonne la vie de tous les habitants de la maison ? Exaspéré, Itami décide d'envoyer la vieille dame chez un autre membre de la famille. Attachée sur le dos de sa petite-fille qui la porte comme un sac, la voilà en route ! Mais on ne se débarrasse pas impunément de ses aïeuls...
Un texte féroce et dérangeant sur la vieillesse.

age-des-Mechancete-NIWA.jpg

Un résumé de ce livre, reproduit en partie ici, est disponible à cette adresse: http://www.chaplum.com/lage-des-mechancetes-de-fumio-niwa-1036

Umejo a atteint l’âge vénérable de 86 ans mais ce qu’on peut dire, c’est qu’elle est devenue un véritable poids pour ses trois petites-filles, qui n’hésitent pas à se la refiler et à être désagréable avec elle. Il faut dire que Umejo, elle-même, n’est pas une vieille dame facile. D’un caractère acariâtre, elle n’hésite pas à voler les objets personnels des membres de sa famille avec une dextérité époustouflante pour une dame de son âge ou à interpeller grossièrement ses hôtes pendant la nuit, voire à leur lancer des malédictions. Itami, le mari de Senko, une de ses trois petites filles, n’en peut plus et menace de ne plus rentrer du bureau si « la vieille » ne quitte pas sa demeure. Senko charge alors sa sœur de prendre leur grand-mère sur son dos pour la conduire chez leur troisième sœur Sachiko, qui a du se réfugier à la campagne, après la destruction de sa maison par les bombardements ennemis. Malgré qu’ils vivent sans électricité avec leurs trois enfants, Sachiko accepte encore une fois, mais est outrée de l’attitude de sa sœur, bien plus riche et à l’aise dans sa grande maison de Tokyo.

Ce récit est très cynique et met en scène des personnages odieux. J’ai d’ailleurs cru lire davantage un essai en faveur de la création de maisons de retraite qu’un véritable roman. En effet, Fumio Niwa se lance à un certain moment dans un véritable plaidoyer en faveur de la création d’établissements tels qu’il en existe aux Etats-Unis (...) J’ai vraiment eu l’impression qu’il a écrit cette nouvelle pour faire passer une opinion sur la vieillesse et la façon dont étaient traitées les personnes âgées au Japon à l’époque, ainsi que pour proposer les solutions qu’il préconisait.

Extrait:

Umejo s'était vu interdire l'usage des allumettes, car elle les frottait et les jetait encore allumées sans se préoccuper du lieu où elle se trouvait. Ces temps derniers, elle se rendait trois fois par nuit aux toilettes. Elle quittait d'abord son lit et ouvrait la porte devant elle, mais ce faisant elle n'était pas capable de traiter avec précaution l'endroit où ses mains se posaient: elle l'agrippait fermement sans le moindre souci de ce qu'il pouvait être. On pouvait donc y recoller autant de papier qu'on le voulait, les portes étaient toujours déchirées. Elle s'y accrochait solidement et se levait. Elle sortait dans le couloir puis se mettait en marche tout en cherchant les portes de la main gauche. Elle avançait en se guidant sur les bruissements rêches qu'elle produisait à pleine main. Lorsque les bruits s'arrêtaient, c'étaient les toilettes. Les Minobe se réveillaient malgré eux à ces froissements de main se guidant sur les portes, au moins trois fois par nuit. Mais il y avait encore des difficultés devant la porte des toilettes: il fallait là aussi passer la main droite ça et là pendant un bon moment pour découvrir où se trouvait la poignée. Elle ne se présentait pas aisément à la main. Lorsque enfin sa main la trouvait, Umejo, comme si elle établissait élément par élément la liste de ce que cela signifiait ("ah, la poignée est ici, et avec la poignée la porte va s'ouvrir"), tirait à grand bruit sur la poignée et ouvrait la porte. Comme elle devait retenir ses besoins pendant tout ce temps, trouver la signification de la poignée était pour elle aussi important que si elle s'était trouvée entre la vie et la mort. Lorsqu'elle ressortait après s'être soulagée, il lui arrivait de s'embrouiller aussitôt dans ses souvenirs de la direction à prendre, gauche ou droite, et de ne plus retrouver le contact des portes malgré tous ses tâtonnements.

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30 août 2012 4 30 /08 /août /2012 22:57

4ème de couverture:

"J'ai compris que j'étais devenu célèbre le jour où Naomi Machin s'est retournée sur moi dans la rue (...) Oui, assurément, j'étais devenu célèbre à ce point-là. Mais célèbre pourquoi je ne voyais vraiment pas."

Qu'est-il arrivé à Georges Frangin, grand anonyme devant l'Eternel, pour que tout le monde l'assaille de demandes d'autographes et suive avec ferveur son actualité - pourtant inexistante? Il semble que, bien malgré lui, Georges Frangin soit obligé de goûter aux joies et aux peines de la notoriété dans une "société du spectacle" bien semblable à la nôtre...

l-idole.jpg

 

Georges Frangin se réveille un matin et réalise que tout le monde le reconnaît dans la rue. Il essaie donc de comprendre, tout au long du livre, ce qu'il a bien pu faire pour mériter cette soudaine notoriété, lui qui n'était jusqu'à présent qu'un chômeur docile sans aucun talent.

Serge Joncour tente ici de démonter le mécanisme pervers de la starification et de la téléréalité. En résumé: comment quelqu'un qui n'est personne peut devenir célèbre sans que l'on sache pourquoi..avant d'être rejeté dans l'anonymat par son producteur. Ca vous rappelle quelqu'un?

Ce roman a fait l'objet d'une adaptation au cinéma (Superstar, avec Kad Merad).


Extrait:

En fait ce qui m'étonnait le plus, à la terrasse de ce fameux café, ce n'était plus tant d'être célèbre, mais de l'être à ce point-là. Avec une si belle unanimité. A en juger par la manière dont les gens me regardaient, on sentait qu'ils m'aimaient bien, ils ne cherchaient jamais à me railler, pas plus qu'ils ne me provoquaient, à croire que j'étais célèbre pour de bonnes raisons, de pas trop mauvaises en tout cas. La connivence que j'inspirais était cordiale, respectueuse même, à croire que pour eux j'étais un mec sympa. Pour autant mon public n'était pas aussi facétieux et relâché que celui d'un comique de variétés. Au moins je n'étais pas ça, et franchement ça tombait bien, j'aurais eu horreur d'être un comique, de répétition en particulier, cette perspective est pour moi comme une hantise, que les gens attendent toujours de moi que je les fasse rire, que je leur ficelle un quelconque calembour, moi qui ne suis même pas foutu de raconter une blague à table, même pas quand je mange seul...Quelle horreur, j'aurais été prêt à tout pour faire quelque chose dans la vie, mais certainement pas comique de répétition, d'ailleurs tous les comiques le disent, il faut aller mal pour faire rire, il faut être profondément triste et désespéré pour faire rire, et pour ma part, je n'ai pas la moindre intention d'être triste ni désespéré.

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29 août 2012 3 29 /08 /août /2012 13:15

Un professeur d'université à l'âge du démon de midi n'arrive plus à satisfaire les exigences de sa femme plus jeune que lui d'une dizaine d'années et dotée d'un tempérament excessif. Tanizaki a bâti sur ce thème une étude psychologique dont le pathétique intérêt atteint au tragique.

Mari et femme sont assez dissimulés quand il s'agit de leurs relations intimes, le mari par timidité, la femme parce qu'elle a gardé de l'éducation reçue dans une vieille famille féodale un masque de pruderie.

Plus épris que jamais de sa femme, le vieux professeur s'ingénie à trouver des moyens qui lui permettent de pallier la déchéance dont il souffre. Il abuse de médications, de piqûres, recourt à la forte excitation de photos indécentes qu'il prend de sa femme alors qu'elle est ivre morte sous l'effet de l'alcool dont il l'abreuve chaque soir. Il s'aperçoit enfin que la jalousie est pour lui un stimulant incomparable, et il fait tant qu'il jette sa femme dans les bras d'un jeune professeur stagiaire qui est le fiancé de sa fille.

La femme, qui trouve chez ce jeune homme vigoureux une ample compensation aux déficiences de son mari, continue à se montrer aussi exigeante à son égard, et le malheureux professeur, épuisé par tant d'efforts, finit par succomber à une attaque.

Tout cela est conté dans les fragments successifs de deux journaux que chacun des époux tient en dissimulant le sien à son partenaire, en sachant très bien qu'il le lit en cachette. Les mensonges que chacun accumule pour tromper l'autre rendent le récit encore plus piquant.

Tanizaki a traité ce thème délicat d'une manière adroite qui tient le lecteur en haleine d'un bout à l'autre du livre.

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Junichirô Tanizaki, né à Tokyo en 1886, mort en 1965, occupe une place de choix dans la littérature japonaise. Attiré pendant sa jeunesse par la littérature occidentale qu'il connaissait bien (il fut membre honoraire de l'Académie américaine et du National Institute of Art and Letters), il revint, avec l'âge mûr, à la célébration des valeurs traditionnelles du Japon.


Extrait:

27 février

Ainsi, j'avais bien deviné. Ma femme rédige son journal. Jusqu'ici j'ai fait exprès de ne pas l'écrire dans le présent cahier, mais à la vérité, il y a plusieurs jours que mon attention était vaguement éveillée à ce sujet. L'autre jour, dans l'après-midi, je suis descendu à la toilette; lorsque je suis passé devant le salon, j'ai observé par le shôji intérieur que ma femme s'appuyait à la table dans une attitude inquiète. Auparavant, j'avais entendu un bruit de froissement de papier japonais très mince. Non pas le bruit qu'aurait fait une feuille, ou deux. C'était le bruit qui viendrait d'une liasse reliée que l'on chiffonnerait en hâte pour la fourrer sous un coussin. Je me suis demandé immédiatement à quel usage ma femme destinait ce papier qui ne fait presque pas de bruit. Jusqu'à ce jour, je n'avais pas eu l'occasion de m'en rendre compte. Aujourd'hui, pendant qu'elle était au cinéma, j'ai cherché dans le salon et j'ai trouvé facilement. Mais, à ma grande surprise, le cahier était scellé par un ruban de cellophane en prévision du fait que je pourrais soupçonner son existence. Quelle bêtise de la part de ma femme! Je suis stupéfié de voir jusqu'où va sa méfiance. Je ne suis pas assez vil pour lire le journal de ma femme sans sa permission. Cependant, poussé par un sentiment mauvais, je tentai de voir si je ne pourrais pas enlever adroitement le ruban sans qu'il en restât de trace. Je voulais dire ainsi à ma femme: "Le ruban est inutile; je peux lire quand même ce journal en cachette sans que tu t'en doutes; il faudra penser à un autre moyen" et je me suis mis à l'oeuvre avec soin. Mais le résultat fut un échec. Je suis étonné de voir avec quelle minutie ma femme avait exécuté son plan. Malgré mon intention d'enlever ce ruban avec un soin extrême, j'ai laissé des traces sur la couverture. J'ai compris qu'il était impossible de l'enlever sans que ma femme s'en aperçût. Je pensais bien qu'elle avait mesuré la longueur du ruban. Ayant terminé sans prendre garde à ce détail, je ne pouvais plus mesurer. Je collai un ruban d'une longueur estimée à l'oeil. Il est impossible que ma femme ne s'aperçoive de rien. Mais je l'en avertis en toute franchise: quoique j'aie coupé le sceau, quoique j'aie ouvert le carnet, je n'en ai pas lu une seule lettre. Il est difficile à un myope comme moi de lire une écriture aussi fine. Cela je désire qu'elle le croie. Il est vrai que ma femme est ainsi faite que plus je lui dirai que je n'ai pas lu, plus elle croira que je l'ai lu. Si elle doit croire que j'ai lu alors que je n'ai pas lu, je ferais aussi bien de lire! Mais non, je ne lirai pas! A la vérité, j'ai peur de savoir comment elle exprime dans son journal ses sentiments pour Kimura. Ma chère Iku-ko! je t'en prie, n'écris rien à ce sujet dans ton journal. Je ne lis pas ton journal en cachette, néanmoins n'y écris pas la vérité sur ce sujet. Même si c'est un mensonge, dis que Kimura n'est pour toi qu'un moyen de me stimuler, mais rien d'autre (...).

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22 juin 2012 5 22 /06 /juin /2012 19:13

Quatrième de couverture

Dans le Japon des années vingt, un ingénieur de trente ans, Jôji Kawai, modèle du «type bien», s'éprend d'une jeune serveuse de quinze ans, Naomi, qui rêve de devenir «terriblement moderne». Il la prend sous sa protection, la façonne, mi-Arnolphe mi-Pygmalion. L'occidentalisation, cette plaie du Japon moderne, thème majeur de l'œuvre de Tanizaki, fait de Naomi un être irréductiblement cynique, vulgaire, inconstant, dont les roueries et l'érotisme, cependant, fascinent Jôji Kawai. Amoureux, il l'épouse. Un amour insensé est la chronique douloureuse et ironique de leur vie conjugale.

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Un très bon résumé du livre, publié sur le site http://parlons-bouquins.com:

J’avais vingt-huit ans à l’époque: comment se fait-il que mon regard ait été attiré par cette gamine? Je ne le démêle pas clairement. Je crois que c’est son nom qui d’emblée me plut. Tout le monde l’appelait "naochan"; mais un jour que je l’interrogeais à ce sujet, elle m’apprit que son nom véritable s’écrivait Na-o-mi, en trois idéogrammes, ce qui éveilla en moi une curiosité extraordinaire. Ma première réflexion fut: "Voilà un nom superbe et qui, écrit en caractères latins, pourrait passer pour occidental". Puis peu à peu je me suis mis à prêter attention à la fille elle-même.

Un Amour Insensé est l’histoire, située dans les années 1920, d’un japonais de trente ans, Jôji, et de sa passion pour Naomi; passion qui le conduira à tolérer de la part de cette dernière les pires humiliations.

Ingénieur respecté dans son entreprise pour son sérieux et son dévouement, et en cela parfaitement traditionaliste, Jôji est considéré par ses collègues et chefs comme un "type bien". Ses loisirs dénotent pourtant un forte attirance pour l’occident: il passe ses soirées dans les cinémas qui diffusent des films américains… Les acteurs et surtout actrices qui emplissent l’écran peuplent son imaginaire et il rêve d’épouser une occidentale. Mais Jôji mesure moins d’un mètre soixante et pense qu’il n’a aucune chance de plaire à l’une d’elles. De plus il est beaucoup trop intimidé par les quelques rares occidentales qu’il rencontre pour oser tenter sa chance…

Ainsi, quand il rencontre Naomi, serveuse de café qui se flatte d’être souvent prise pour une eurasienne, il tombe amoureux d’elle, lui trouvant une ressemblance avec l’actrice Mary Pickford. A défaut de courtiser une occidentale, il se rabat donc sur la jeune Naomi, qui n’a que quinze ans lors de leur rencontre. Pourtant, si Jôji est attiré par Naomi, il n’y aucune admiration pour sa personnalité ou son intellect. Pensant qu’elle est jeune et malléable, il décide, tel un Pygmalion, de la façonner à son image et de lui offrir une instruction. En échange, elle vivra chez lui et fera le ménage avant d’atteindre l’age de devenir son épouse.

Ne réussit-il pas ou au contraire arrive-t-il trop bien à la rendre à son image? Naomi, loin de s’approcher de l’idéal qu’il a en tête, devient vulgaire et commune. Pourtant, Jôji s’accroche à elle: elle devient son obsession, son vice. Manipulant grâce à ses charmes celui qui pensait la modeler, Naomi mène Jôji par le bout du nez, dilapide ses économies et le conduit à accepter tous ses écarts de conduite.

Jôji s’enfonce alors dans une relation humiliante avec un fatalisme mêlé d’humour, qui donne une certaine légèreté à un roman traitant d’un sujet autrement sordide. Chronique ironique et amère d’une relation condamnée dès le départ, Un Amour Insensé est une roman fascinant, à résonances de la Lolita de Nabokov.

Au travers de cette dissection amoureuse, Tanizaki révèle ses inquiétudes par rapport à l’occidentalisation croissante d’un Japon dont les particularités culturelles sont construites sur des siècles d’isolationnisme. Au travers de personnages décadents et pathétiques, l’auteur semble vouloir dire qu’en renonçant à tout ce qui fait leur grandeur et en adoptant un système de valeur occidental, les Japonais ne deviendront jamais comme leur modèle qu’ils se contenteront de singer. Analyste sévère et impitoyable d’un Japon en mutation, Tanizaki s’accroche à l’échafaudage branlant des valeurs traditionnelles, et se montre sans concession pour ses personnages victimes d’occidentalisation à outrance.

Extraits:

Dans mon coeur s'affrontaient alors deux sentiments contradictoires: la déception et l'idolâtrie. Le choix que j'avais fait était une erreur; Naomi n'avait pas les dons qui répondissent à mon attente...Inutile de me boucher les yeux: c'était bel et bien ainsi; mes espoirs de voir un jour Naomi devenir une femme supérieure, je m'en rendais clairement compte à présent, étaient parfaitement utopiques. Bien sûr qu'on ne pouvait rien contre une mauvaise éducation; bien sûr qu'une fille de Senzoku était faite pour être serveuse de café; une éducation mal adaptée ne pouvait mener à rien...Je renonçais, totalement. Mais en même temps, et tout en renonçant, j'éprouvais une attirance de plus en plus forte pour le corps de Naomi. Je dis expressément "le corps"; car c'était tout qui m'attirait: sa peau, ses dents, ses lèvres, ses cheveux, ses yeux, tout ce qui était beau en elle; il n'entrait absolument rien de spirituel là-dedans. Bref, si les capacités de son esprit avaient trompé mon attente, son corps en revanche avait peu à peu acquis une beauté correspondant à mon idéal - que dis-je? qui le surpassait. Plus je la traitais intérieurement d"idiote", de "propre à rien", plus malheureusement j'étais séduit par sa beauté. C'était pour moi en vérité, sur le plan personnel, une calamité. Je perdais de vue peu à peu ma pure et simple intention de la "former"; à l'inverse, c'était moi qui étais entraîné à vau-l'eau et, alors même que je me ressaisissais, me disant "Arrête! tu t'égares", il était déjà trop tard pour y remédier...


Quand elle s'éloigna, je tirai machinalement ma montre et regardai l'heure: exactement midi trente-six...Etait-ce possible! Elle avait quitté le Pavillon de l'Aurore à onze heures; il y avait eu entre nous ce gros affrontement, et tout avait changé dans le temps d'un éclair; elle était encore là une minute plus tôt et voici qu'elle avait disparu - tout cela avait à peine pris une heure trente-six!...Les gens ont souvent le geste machinal de consulter leur montre quand, par exemple, le malade qu'ils assistaient rend le dernier soupir, ou quand brusquement se déclenche un violent tremblement de terre; c'est sans doute un réflexe du même genre qui, à ce moment-là, me fit machinalement consulter ma montre. Telle année de l'ère Taishô; tel jour de novembre; midi trente-six...A cette minute précise je me suis enfin séparé de Naomi; peut-être l'instant marqué pour enterrer définitivement mes relations avec elle...


Une seconde, Naomi parut se demander si je n'étais pas devenu réellement fou. En cet instant sa figure était devenue livide, voire bistrée, et dans son regard lourdement fixé sur moi se lisait quelque chose d'assez proche de la peur. Mais aussitôt, avec une expréssion intrépide de farouche détermination et d'insolente témérité, elle sauta sauvagement à califourchon sur mon dos. Et me parlant comme le ferait un homme:

"Comme ça, ça va?

- Ca va.

- A l'avenir, vous ferez tout ce que je dirai?

- Je le ferai.

- Vous me donnerez tout l'argent dont j'aurai besoin?

- Tout.

- Vous me laisserez faire ce que je voudrai sans éplucher mes faits et gestes?

- Oui!

- Vous ne m'appellerez plus "Naomi" mais "Mademoiselle Naomi"?

- Mademoiselle Naomi!

- C'est bien sûr?

- C'est bien sûr.

- Parfait! Comme je suis pitoyable, je vous traiterai comme un être humain, pas comme un cheval..."

 

Ce livre m'a en tout cas bien plu et donné envie de découvrir les autres romans de Tanizaki.

Pour ceux qui voudraient connaître la fin de l'histoire, Jôji finit par se soumettre sans réserve à tous les caprices de son épouse pour ne plus la voir disparaître, acceptant ses amants occidentaux, ses dépenses inconsidérées et son caractère fantasque.


Enfin, un très bon article est paru sur le site www.buzz-litteraire.com


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