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27 mars 2011 7 27 /03 /mars /2011 13:54

4ème de couverture:

Zenith, une petite ville du Midwest dans laquelle vit George F Babbitt, agent immobilier de renom. Riche, bavard, il a un avis sur tous les sujets et se targue d'être un citoyen modèle. Installé dans son petit train-train quotidien, il aime son confort; moins sa femme. Mais voilà qu'un jour, une terrible angoisse le prend à la gorge : toute cette vie passée à arnaquer la veuve et l'orphelin et à dîner avec des petit bourgeois bien-pensants ne serait-elle pas vaine ? D'une plume enjouée, sarcastique sans jamais être méchante, Sinclair Lewis décrit le pouvoir de séduction d'une société de consommation naissante et plus largement l'individu occidental ayant pu accéder à " l'American Way of Life ". Lire ou relire Babbitt aujourd'hui c'est pénétrer le coeur du système capitaliste, ses pièges et ses failles qui nous rattrapent en ces temps de crise économique annonçant tant de drames sociaux et humains.

 

babbitt.jpg

Tout est ici assez bien résumé: "Babbitt" est une satire de la société américaine des années 20, critiquant le conformisme et l'hypocrisie de la classe moyenne aux Etats-Unis en cette période de Prohibition.

George F. Babbitt est l'archétype de l'américain moyen de l'époque: agent immobilier prospère, il a épousé une femme qui fait désormais un peu partie des meubles, et est père de trois enfants qui lui apportent plus de tracas que de satisfactions. Sa vie se résume à faire toujours plus d'argent, à afficher sa réussite sociale et à briller en société, notamment au sein des divers ordres et confréries dont il est adhérent et qui ont en commun la volonté de protéger les valeurs américaines et un  goût prononcé pour la bien-pensance.

Babbitt commence toutefois à se lasser de cette vie trop bien réglée, sans passion aucune. Son seul réconfort se résume aux trop rares moments passés en compagnie de son vieux camarade d'université Paul Riesling. Celui-ci est marié à une épouse tyrannique dont il se venge en ayant de nombreuses aventures extra-conjugales bien évidemment désapprouvées par le vertueux Babbitt.

Deux évènements vont amener la vie de Babbitt à basculer: l'arrestation de Paul Riesling après que celui-ci ait tiré sur sa femme, et sa rencontre avec Tanis, jeune veuve à la recherche d'un appartement qui entraîne notre antihéros dans des nuits de débauches alcoolisées dont il ne rentre qu'au petit matin.

Parallèlement à cette rencontre, Babbitt commence à tenir devant ses camarades de confréries des propos que ceux-ci ne peuvent que réprouver . Lui qui jusqu'alors passait pour le plus ardent défenseur de l'esprit d'entreprise américain s'est soudainement mué en une sorte de dangereux socialiste prenant la défense d'agitateurs notoires. Le fait d'être aperçu dans les rues en compagnie de sa bande de joyeux fêtards et de Tanis achève de le discréditer aux yeux de ses anciens amis qui petit à petit finissent par le mettre à l'écart.

Tout ceci se déroule bien entendu en l'absence de Mme Babbitt, partie en vacances.

A son retour, Babbitt se trouve confonté à un choix difficile: renoncer à Tanis et à toute la "Bande" (autrement dit renoncer à la vraie vie), ou tirer un trait sur la vie tranquille qu'il a menée durant des années.

L'appendicite de son épouse et la peur de perdre celle-ci lui font finalement réaliser qu'il n'est pas prêt à divorcer, et il décide donc de reprendre son ancienne vie...non sans une certaine amertume.

Le vrai sentiment de Babitt sur sa vie, c'est encore lui-même qui l'exprime le mieux  à la toute fin du livre,lorsqu'il se trouve seul avec son fils qui vient d'épouser en secret sa petite amie:

"Mon Dieu, je...Te rappelles-tu qu'un jour tu nous as appelés les "Babbitt mâles" en ajoutant que nous devrions nous serrer les coudes? C'est ce que je veux faire. Je n'ai pas l'intention de ne pas prendre ceci au sérieux...Etant donné le peu d'atouts que la jeunesse d'aujourd'hui a dans son jeu, je ne peux pas dire que j'approuve les mariages prématurés. Mais tu n'aurais pas pu épouser une plus charmante fille qu'Eunice, et, à mon sens, Littlefield a une fameuse chance d'avoir un Babbitt pour gendre. Mais qu'as-tu l'intention de faire? Naturellement tu pourrais continuer tes études à l'université, et quand tu aurais fini...

-Papa, je ne peux plus y tenir. C'est peut-être très bien pour certains garçons, et il est possible que j'aie envie un jour d'y retourner. Mais moi, je veux me lancer dans la mécanique: je crois que j'arriverai à quelque bonne invention. Je connais quelqu'un qui, dès à présent, me donnerait vingt dollars par semaine dans son usine.

-Eh bien..." Babbitt traversa la pièce lentement, pesamment, d'une allure un peu vieille.

"J'ai toujours ambitionné de te voir diplômé d'université..." D'un air méditatif il marcha encore de long en large. "Mais je n'ai jamais - au nom du ciel, ne répète pas cela à ta mère, ou elle m'arracherait le peu de cheveux qui me reste -, mais je n'ai jamais, dans toute ma vie, fait une seule chose que je désirais. Je ne crois pas avoir réussi quoi que ce soit, sinon de suivre mon petit bonhomme de chemin. J'imagine que j'ai peut-être avancé d'une quinzaine de centimètres sur environ cinq-cents kilomètres. Eh bien, peut-être iras-tu plus loin...Je ne sais pas. Mais j'éprouve une sorte de satisfaction furtive à voir que tu savais ce que tu voulais et que tu l'as fait. Tous ces gens qui sont là, à côté, vont essayer de t'en imposer, de te dompter. Envoie-les promener, je te soutiendrai. Accepte ce poste dans cette usine, si tu veux. Ne te laisse pas effrayer par la famille, non, ni par toute la ville de Zenith, ni par toi-même, comme je l'ai fait. En avant mon petit! Le monde est à toi!"

Et, se tenant mutuellement par les épaules, les "Babbitt mâles" s'avancèrent dans le salon pour y affronter la famille qui allait fondre sur eux.

 

Sinclair Lewis est né le 7 février 1885 à Sauk Centre, dans le Minnesota. Chef de file de l'école réaliste américaine, il connaît un grand succès aux Etats-Unis avec le roman Main Street en 1920, puis avec Babbitt en 1922. En 1930 il reçoit le Prix Nobel et est le premier écrivain américain à être honoré par cette récompense.

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